Nous vivons cette semaine, le vingt-neuvième anniversaire de la disparition de l’Honorable Kabinet Kouyaté. Journaliste sportif de son état, le défunt est un cas atypique dans la profession. Comme bon nombre de confrères de sa génération, Kabinet Kouyaté n’a pas suivi le cursus classique. C’est-à-dire fréquenter une école de journalisme de renom. Il a fait ses armes par la passion du micro et du sport.
Nullement complexé par le niveau de ses diplômes scolaires, le défunt a trimé dur pour atteindre la consécration. Avec Boubacar Kanté, le doyen Pathé Diallo, Kabinet Kouyaté et Gaoussou Diaby constituaient au service des sports les as du micro. Aujourd’hui, les trois premiers ne sont plus de ce monde.
Par le fait de l’ingratitude nationale et de l’indifférence générale, ces éminents journalistes sont dans l’oubli. Rien, pratiquement rien n’évoque leur souvenir chez nous. Faute de support (publication, film, archives, musée du sport, etc.), la génération actuelle ne dispose pas de repères historiques sur la presse sportive nationale. Un vide à combler par les autorités de la place.
Il est important pour les journalistes sportifs, qui souhaitent embrasser la carrière d’être suffisamment informés sur le parcours des pionniers de la presse dont Kabinet Kouyaté. A force de travail et d’abnégation, Kabinet Kouyaté s’est forgé une réputation à revendre. Il s’est dépensé sans compter pour la cause du sport.
Faut-il le souligner, il fut membre fondateur de la Fédération Guinéenne des Sports Mécaniques dans les années 1990. Et en 1992, il lança le magazine sportif Stades de Guinée, qui n’a malheureusement pas survécu après lui. En journaliste avisé, il s’était constitué un solide carnet d’adresses, qui lui permettait de suivre les grands événements sportifs, au cas où il n’était pas dépêché par le service des sports de la RTG.
Il en fut ainsi pour la CAN de foot senior de 94 disputée en Tunisie. Kabinet non retenu par la RTG m’avait confié qu’il se rendrait en Tunisie grâce à ses relations. Quelques jours avant l’organisation de cette épreuve, le 24 février 1994, la mort le fauche.
Le hasard a voulu qu’au mois de décembre 1993, dans un café de la place, l’occasion me fut donnée de longuement discuter avec le défunt. Je le revois encore vêtu d’un superbe boubou blanc assis seul à une table. Nous étions un vendredi. Après une absence de quatorze ans, le Syli national renoue avec les phases finales de la CAN. Depuis notre participation en 1980 au Nigeria, nous nous étions enfin qualifiés pour l’édition de 1994 en Tunisie. Au cours de cet entretien l’Honorable me donna son point de vue sur les chances de notre pays, avec un large tour d’horizon sur les problèmes du sport Guinéen.
Sans le savoir, j’allais être le témoin de ses toutes dernières réflexions. Ce jour-là, Kabinet me rassura fermement qu’il serait en Tunisie avec la RTG ou pas. C’était le moindre de ses soucis. Il était beaucoup plus préoccupé par la préparation du Syli national. Il avait à cœur une participation de qualité de notre pays. On connaît la suite des événements. Nous avons été éliminés au premier tour, battus par le Ghana et le Sénégal. Et le destin fut fatal, puisque Kabinet n’ira finalement pas en Tunisie.
Je retiens de l’homme un bourreau du travail et un journaliste modèle. A un moment donné (la date précise m’échappe), Kabinet Kouyaté fut l’objet d’une sanction administrative. On lui intima de présenter le journal de 6 heures du matin. Sans rechigner, il se mit à la tâche, et le temps que prit la sanction, il vint à l’antenne. Ce fut donc un homme de devoir. Une image forte qu’il est difficile d’oublier.
Le destin est parfois cruel et impitoyable. En l’espace de vingt- neuf ans, nous avons perdu quatre journalistes sportifs et pas des moindres. La ronde funeste a débuté par Kabinet Kouyaté en 1994. Trois ans plus tard, en 1997, ce fut le tour de Kanté. Onze ans après, en 2008, le doyen Pathé a répondu à l’appel du destin. Et quatre ans plus tard, en 2012, nous quittait Gassimou Sylla, le Boeing !
Ce quatuor, qui a brillamment marqué la vie du sport national, mérite bien plus que des médailles décernées à titre posthume. Ces journalistes ont droit à une place d’honneur au musée national du sport à créer. Nous leur devons une reconnaissance éternelle. Par devoir de mémoire, nous devons maintenant rompre avec cette culture d’ingratitude et d’indifférence.
Bon nombre de nos compatriotes durant leur vie active s’investissent pour la nation. Autant que faire se peut, de leur vivant, on devrait leur reconnaître les actes qu’ils ont posés pour le pays. Pour la postérité, ils seront ainsi des modèles et des repères à suivre. Paix à son âme !
Thierno Saïdou Diakité – Consultant Sportif